Sortie trad’ à Annot (Toussaint 2016)

Samedi 29 octobre, 7h15. 9 vaillants grimpeurs de Roc14 (sur)chargés de matos se retrouvent en gare de Lyon : Benoit, Charles, Claire, Étienne, Fabrice, Ilaria, Marta, Ola et moi. Direction : Annot.

Ce charmant petit village à mi-chemin de Dignes et de Nice est connu pour sa spécificité géologique : une importante résurgence de grès. On y trouve donc des blocs semblables à ceux de la forêt de Fontainebleau. Mais le site est surtout célèbre pour ses falaises de grès rayées de fissures très pures et rectilignes, taillées à la serpe. Un spot unique en France qui n’a (presque) rien à envier à Indian Creek, et qui fait le bonheur des grimpeurs de tout poil (sauf sur les mains…) qui viennent parfois de loin.

Au programme, donc, de ce long weekend de la Toussaint : découvrir l’escalade en trad’, apprendre à grimper « old school » dans les fissures, et surtout à se protéger avec des coinceurs. Car ce petit village d’irréductibles résiste encore et toujours à l’envahissement du spit, et dans les voies seuls les relais sont équipés.

Pour relever ce défi de taille (vous avez saisi la blague ?), il aura fallu une dream team de choc composée de nos 9 mercenaires, encadrée par Lionel et Marie-Line, la Creme de la Creme (en anglais dans le texte) des moniteurs, qui connaissent les fissures du coin (et pas que !) sur le bout des doigts (lorsqu’il en reste, parce que ce grès, il ponce, demandez à Charles). Et pour mener à bien cet ambitieux projet, la mécanique pédagogique de nos deux anges gardiens était bien huilée. On vous raconte ça par le menu (risotto-lentilles-tajine) (le récit qui va suivre est la version crue et réelle des faits, sans aucune édulcoration. Cependant, il faut noter que ce compte-rendu, comme l’ensemble du séjour, a été sous l’influence de FIP suite au diktat de Claire, aspirante Fipette.).

 

 

Notre histoire débute donc à 7h15 (!) en gare de Lyon. Le weekend s’annonçait pourtant mal, puisque 4 jours de grand beau étaient prévus au lieu de notre chère grisaille parisienne, et que personne n’a réussi à rater le train malgré les efforts conjugués pour se débarrasser des plus pénibles d’entre nous. Je vous laisse le soin de juger par vous-même de l’ambiance sinistre qui règne alors :

 

 

Arrivée à Aix-en-Provence à 10h40. Il faudra tout de même attendre presque 1h pour pouvoir récupérer le camion et troquer les rails pour le bitume afin de poursuivre notre périple jusqu’au saint des saints. Fabrice hésite même à grimper sur place en attendant, après avoir repéré la ligne évidente du Toit de la gare, mais la sortie, expo, l’en dissuade. Ce 1ier coup du sort n’entame pourtant pas le moral des troupes, et notre carrosse file bon train entre les mains expertes de Benoit, le G.O du weekend également pilote de van à ses heures perdues. Après avoir admiré les Pénitents et le Verdon, et avoir réussi à raccrocher son estomac (merci l’huile essentielle de menthe), nous arrivons sains et saufs au camping d’Annot. On prend de suite possession des 2 bungalows, les filles d’un côté (Charles assume son aïdoïopoïèse) et les garçons de l’autre, et on s’installe pour un rapide pique-nique ensoleillé.

 

Drôles de champignons... Drôles de champignons…

 

On ne traîne pas (il est déjà 15h) et on retrouve Lionel et Marie-Line qui nous emmènent dans les bois pour nous expliquer le pourquoi du comment des Friends (les coinceurs mécaniques. Expliquer l’intérêt de la sitcom reste encore trop ambitieux.). Avec un petit exercice pratique de pose de coinceurs à la clé.

Fabrice en profite pour tester sa résistance au froid (short, t-shirt, tongs). Il est paré pour la saison de ski en slip. Il est 18h30, le rendez-vous du lendemain est pris, on file donc faire les courses (la supérette ferme à 19h30). Répartition des tâches, cadis par binômes, à 19h l’affaire est réglée. Une équipe de champions, on vous l’avait dit. Pour ce premier soir ce sera donc apéro puis risotto oignons-poireaux-poulet-chèvre-encore des oignons (au grand dam des Polonaises du groupe, qui comme chacun sait gardent toujours un oignon cru sous la main en cas de petit creux). Bravo à Étienne d’avoir eu le courage de préparer un tel plat avec une Italienne dans l’assemblée, on s’est régalés (la rumeur court qu’il n’en est pas à son galop d’essai).

Après une (plus ou moins) bonne nuit de sommeil (chaleur étouffante chez les filles, froid glacial chez les garçons, seul le fétichisme du skaï permettra de passer la nuit), on retrouve (avec un peu de retard suite à un petit « voilà ») Lionel et Marie-Line au café.

 

 

Arrive l’heure de la distribution du matos. Difficile de s’y retrouver dans tout ça, le 0.4 de BD est gris et le 4 aussi, mais le gris de WC est entre le 0.5 et le 0.75…
Et pour se familiariser avec tout ce petit monde et voir si on les pose bien, rien de tel que l’artif’ ! On monte donc jusqu’au secteur de La Cave (Charles et Claire décident de se promener un peu avant…). Une fois la fissure choisie, le but est simple : progresser jusqu’au relais en s’aidant uniquement des coinceurs que l’on pose. A raison d’un tous les 50cm, il s’ensuit une débauche de cames. Pendant ce temps-là, Charles nous fait bien comprendre qui est le patron et enchaîne en libre en 2 temps 3 mouvements les lignes dans lesquelles on a passé une bonne heure à s’échiner sur nos pédales. Mais tout le monde se prend au jeu, et à la fin de la journée le groupe adhère à l’AAAA (Association Annotaine des Amateurs d’Actif).(ne pas confondre avec la très sérieuse AAAAA.) La prévision de Lionel s’avère exacte : ce petit jeu nous fait rapidement gagner confiance en nos protections (Claire et Étienne seront tellement confiants qu’ils chuteront sur leurs coinceurs), et la plupart franchira même le pas et réalisera sa première voie, en tête, en posant les coinceurs. « Du jamais vu », « un groupe exceptionnel », Lionel et Marie-Line ne tarissent pas d’éloges à notre égard (1.5 kg de miel utilisé durant ce weekend).

 

Enragés que nous sommes, nous grimpons jusqu’à plus soif, et nous redescendons au village à la frontale. C’est l’heure d’une petite mousse au café de la place. On rentrera au camping trop tard pour le tajine, ce sera donc lentilles-saucisses-lardons-pas de carottes (parce que 2kg pour 9 c’était trop, mais 2 packs de bières et 1 cubi c’était trop peu…). A 23h tout le monde est au lit et en écrase.

Le réveil à 7h est plus agressif que la veille (pas de changement d’heure et des courbatures). D’autant plus que la quiétude du petit déjeuner est encore polluée par des choix radiophoniques douteux. Mais un programme chargé nous attend. On retrouve une fois de plus nos gurus au café (et une fois de plus on est en retard…). C’est parti pour une petite marche d’approche de 30 minutes, direction le sommet du massif et le secteur de blocs. On y arrive tous (Charles et Claire s’étant encordés au groupe par mesure de sécurité) et pendant que Lionel installe des moulinettes dans les blocs, Marie-Line nous apprend à faire des gants avec du strap. Et à s’épiler les mains par la même occasion. Il faut souffrir pour grimper en trad’. Et on aime ça.

 

 

Car aujourd’hui finis les étriers, on apprend à combattre les fissures à mains nues, et il faut donc protéger notre petite peau fragile (clairement, c’est pour les faibles, les vrais comme Lionel y vont nus et en redemandent). Lionel nous explique alors comment aborder ces fissures en coinçant tous les membres (…). Un peu dubitatifs au début, on essaie à tour de rôle et…miracle ! On peut effectivement tenir sans les pieds dans une fissure uniquement en coinçant les mains. La boîte de Pandore est ouverte ! Quel gain d’énergie par rapport à la grimpe en Dülfer ! Certains s’initient alors à la voie du Fist (si vous cherchez sur Internet, précisez « fist jam »…), les gourmands tenteront même le Double (âmes sensibles s’abstenir) ! Il suffit maintenant d’adapter sa gestuelle à la taille de fissure rencontrée (n’en déplaise aux rageux, la taille ça compte) : si c’est du 1-2, on coince les mains ; le 3-4 c’est pour les fist ; du 5-6, on met les genoux ; du 0.3 au 0.75, c’est pour les doigts (une fois n’est pas coutume, les petits doigts féminins sont avantagés par rapport aux grosses paluches de bonhomme). Tout le monde s’acharne alors sur les blocs pour tester tous ces coincements. Et une autre révélation s’offre à nous : ici il ne faut pas sous-estimer les cotations. Car la grimpe en fissure est tellement particulière et fait intervenir une nouvelle gestuelle, c’est comme si l’on réapprenait à grimper. Les mains sont éraflées et l’ego est écrasé. La majorité du groupe part de suite après le pique-nique pour aller mettre en pratique nos connaissances toutes neuves dans des vraies voies. Les courageux restent en arrière profiter d’un rayon de soleil qui filtre entre les arbres et livrer un dernier combat dans la fissure large.

 

 

On se retrouve sur la Vire Inter, secteur majeur du massif. Il y a un peu de monde, il faut donc choisir soigneusement sa voie. Mais pas de mauvaise surprise : il n’y a rien de moche, même pas du moyen. Rien que du beau, du splendide, de l’inoubliable, à l’image de nos 2 compères locaux (il restait du miel). Et tout le monde se donne à fond : Ilaria et Charles testent la chute, Étienne et Benoit s’envoient Les Gapençais. Pour ma part je grimpe avec Simon (un moniteur de Grenoble venu également tâter de la fissure), qui se fait Dedicata tout en coincements. J’essaierai de l’imiter mais avec un succès beaucoup plus mitigé. Ola et Fabrice s’offrent Domino, Marta et Claire se mettent une belle baston dans une fissure au départ retors (et la suite n’est pas aisée non plus), Claire finira au mental (elle l’aura eu sa p***** de guerre). Comme constaté précédemment, les cotations sont bien sèches voir même complètement foireuses, on se demande quel est le…qui a rédigé ça. Comment ? On me dit dans l’oreillette que l’auteur serait une certaine Marie-Line ? Tout est tip-top alors.

 

A force d’acharnement, comme la veille, seule la nuit nous arrête et nous rentrons encore à la frontale. Vite vite, il faut aller faire une petite course : apparemment il n’y avait pas assez de carottes (désolé Marta) ni de bières ni d’oignons. Ni de miel, car il paraîtrait que 1 kg est la dose standard par jour et par Italienne. Et ce soir Lionel et Marie-Line se joignent à nous pour un tajine. Vous avez bien lu. Un tajine. Pendant un weekend grimpe. Vous doutez encore d’avoir affaire à une belle bande de champions ? Fabrice s’acharne pendant près de 2h au fourneau et tout le monde se régale. Mais tout le monde a la journée dans les pattes et, bercés par une programmation musicale qui ferait passer une émission de France Culture pour du Red Bull, l’heure de retrouver la banquette en skaï approche.

 

Le dernier réveil du weekend sonne à 6h30 (!). En effet il faut nettoyer les bungalows pour les rendre avant de partir grimper, le camping fermant pour l’hiver le jour même. Le café et une émission de FIP moins oléolé que d’habitude ne seront pas de trop pour rallumer une étincelle dans nos yeux rougis de fatigue. Mais une nouvelle fois, la team démontre sa qualité exceptionnelle, et nous serons laaaaarges pour l’état des lieux des bungalows et nous serons même en avance (pour une fois) au café de la place.

 

 

Pour cette dernière journée de grimpe, nous montons au fameux secteur de la Chambre du Roi, un des premiers à avoir été ouvert. Lionel enrichit encore notre gestuelle en nous expliquant comment affronter les cheminées étroites à coups de « chicken wings », un mouvement à la con original. Chacun essaie cette nouvelle technique. On se demande bien qui a pu penser à un truc pareil. Apparemment, plus besoin de placer des protections, grâce à ça on ne peut plus tomber. Habile. Bien que personne n’ait revu la cordée d’hier partie dans une fissure de cette taille.

 

Pendant que Benoit et Étienne passent la journée à la frontale dans le froid de la Chambre et se mettent un gros combat dans Handtraining, les filles s’essaient à la pose de protections dans les trous. Ola fera preuve de sang-froid et expédiera la dalle en 4 coinceurs. Elles iront ensuite voir Dedicata. La ligne est tellement belle que tout le monde sera passé dessus. Charles et moi décidons de nous frotter (littéralement) aux 3 dernières longueurs de Fanny, une des rares grandes voies du site, qui remonte tout le massif. Charles part en tête dans la première longueur et sort les micro-coinceurs et la testostérone pour franchir le toit.

 

Le groupe est fourbu de ces 4 jours intensifs, et pendant une pause Lionel en profite pour nous donner quelques trucs pour confectionner un relai sans points bétons.

 

Mais bientôt, il est l’heure de plier bagage et de rentrer au camion. Une dernière vérification : on n’a pas perdu de matos (s’il était encore nécessaire de vous convaincre qu’on est des vainqueurs). Après des adieux déchirants, nous prenons le chemin du retour  (qui est le même que celui de l’aller, mais parcouru dans l’autre sens. Essayez de suivre un peu.). On arrive en avance à la gare, parfait, on a le temps pour un (en fait avant-)dernier apéro (ne me demandez pas comment cela est possible, mais il restait du sauc’, du fromage et de la bière !). On monte dans le train, et une dernière réunion bilan se déroule au wagon-bar. Tout le monde s’accorde à dire qu’on aura bien versé de la sueur, du sang et des larmes de la bière durant le weekend. On se répartit les restes de nourriture (et sans vouloir en rajouter, il n’y a plus de carottes). Harassés, on essaye de gagner une heure de sommeil avant de débarquer du train. Une fois arrivés en gare de Lyon, chacun poursuit sa route de son côté, des images plein la tête, des étoiles dans les yeux et…des croûtes plein les mains. Mais on reviendra, c’est sûr.

 

A ciao bonsoir.

Ecrit par : Le chamois masqué